Les étuves, en vente.

Nombre de messages : 42 Date d'inscription : 30/10/2006

Le gros bourgeois poussa la porte de son établissement annexe, découvrant une pièce aux murs de bois sombre vernis.
Dans un coin, une cheminée de pierre servait de support à une demi douzaine de broches chargées de poulets qui gouttaient dans le feu ; des tables rondes étaient disposées près d'un comptoir en cuivre qui donnait sur une arrière cuisine cachée par un rideau.
Un escalier de bois menait vraisemblablement aux chambres, toutes à l'étage, et aux appartements du propriétaire, qui, en l'occurence, préférait vivre dans son établisemment principal.
Tout était propre, sentait bon, et paraissait étrangement vide. On entendait en effet les cris de charetiers qui tentaient de livrer leur cargaison place du marché, ou dans les echoppes disposées ça et là sur le pourtour de la grand'place.

Le bourgeois fit signe à la jeune femme en corset qui essuyait des assiettes de se retirer ; ce qu'elle fit sans rechigner.

- Voilà, les étuves. Les chambres sont à l'étage, mais vous pouvez les aménager en appartements pour vous même. Si vous placez des étagères et des promontoires à la place des tables, vous pourrez sans problème y vendre vos... que voulez vous y faire, au juste ?

Léane réfléchissait tout en observant l'intérieur bien entretenu de l'établissement.
D'un côté, la proposition lui semblait honnête, et, après réflexion, le bourgeois était assez sympathique pour qu'on puisse lui faire confiance... Les étuves, spacieuses, pourraient facilement être transformées en chandellerie et l'étage avait l'air d'une taille respectable pour ses appartements.
Mais d'un autre côté restait le problème du prix... Peut-être pouvait-elle demander des prêts à des banquiers, ou..
Mais elle devait bien avoir une somme approchant les 300 doublons, et pouvait, comme le bourgeois le lui proposait, en payer 200 maintenant et le reste par la suite.
Elle avait seulement peur de ne pas faire des affaires tout de suite et ne pas pouvoir les lui donner...

Non, décidément, elle allait accepter.

Elle sursauta en entendant la voix de l'homme :

- Pardon ? Ah, heu... Je comptais y ouvrir une chandellerie... Je pense que je vais la prendre, mais j'aimerais tout de même visiter l'étage...

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Sourire triomphant du bourgeois. Il monta les marches de l'escalier en clamant :

- Par ici, je vous en prie !

L'étage était départagé en une dizaine de chambres proprettes meublées d'ébène, et une salle d'eau gigantesque justifiant le nom d'étuves donné à ce batiment.
Des employées en sous bonnets blancs et jupons gris suaient à grosses gouttes dans la laverie propre à l'auberge et qui la rendait luxueuse ; le bourgeois fit tout visiter à son acheteuse potentielle.
Il ajouta :

- Au dessus, des chambres de bonnes, si vous désirez avoir des employées à domicile, ou même des locataires. Vous verrez, l'endroit est très agréable.

Il sortit de sa poche un parchemin et une plume qu'il passa entre ses dents avant d'ajouter :

- Si vous désirez acheter, nous pouvons signer des traites dès maintenant. A vous de voir.

Léane visita tout avec intérêt, tout en se demandant si elle n'allait pas vendre ou louer l'étage dont elle ne pouvait rien tirer : comment transformer cette immense salle d'eau en chambre, en cuisine ou encore en salon ?
Toujours était-il que le bas était parfait et qu'elle imaginait déjà comment l'aménager. Aussi, ayant pris sa décision, répondit :

- Signons, alors, messire... Votre bâtisse me plaît, je l'achète. Combien avez vous dit ? 200 doublons maintenant, c'est cela ?

Elle réfléchit un instant puis reprit avec un sourire distingué :

- C'est que je ne les ai pas sur moi, voyez vous... Mais si, après avoir signé, vous accepteriez de m'accompagner à mon domicile, je vous les remettrais dès aujourd'hui, et nous pourrions, cet après midi, commencer à tout installer...

Nouveau temps de pause.

- D'ailleurs, connaissez-vous une ou deux personnes qui pourraient m'aider à m'installer ?

Le bourgeois acquiesça et sortit de sa poche de poitrine une liasse de parchemin.

- Il se trouve que j'ai sur moi l'original du contrat - et une copie pour vous, cela va de soi.

Il se retourna et cria :

- Marie, amène moi de l'encre et une plume ! Et fait tes bagages, tu retourne aux étuves.

La dite Marie s'eclipsa un instant, et revint avec une bouteille d'encre verte et une plume un peu fripée. Visiblement, retourner à l'établissement principal ne l'emplissait pas de joie, et elle prit un air suppliant :

- Monsieur, aux étuves ? Mais madame Béatrice ne m'aime pas, et...
- Suffit, Marie, j'ai dis au étuves. Sans quoi, tu n'auras plus de travail. Suis-je clair ?
- Mais... bien, monsieur. Comme vous voudrez...

Elle retourna à ses tâches la tête basse, tandis que le bourgeois reprenait :

- Justement, mon beau-frère dirige une petite entreprise... d'habitude, ils font dans la construction, mais en automne, à l'approche de l'hiver, ils n'ont pas de travail. Voulez vous que je les contacte ?

Léane approuva d'un signe de tête, sans un regard pour Marie. Après tout, ces affaires ne la regardaient pas. Puis, à haute voix :

- Fort bien, monseigneur, signons donc ce contrat. Et, oui, vous seriez bien aimable si vous pouviez parler de moi à votre beau-frère... Je vous propose de venir ensuite chez moi. Nous pourrions trinquer en l'honneur de notre contrat, et je vous donnerai l'argent là-bas...

Puis, d'un geste autoritaire, la jeune fille se saisit de la plume, la trempa dans l'encre et signa d'un mouvement ferme les deux copies du contrat. Enfin, elle tendit la plume, le flacon d'encre et les parchemins dont la signature au bas de la page avait un peu bavé, au directeur des étuves. Le dessous de sa main était taché de vert.

- J'ai appris à écrire auprès de ma mère, dit-elle d'un ton d'excuse. Mais elle est, malheureusement, morte, et je ne sais toujours pas très bien...

Propos qu'elle appuya d'un pauvre sourire un tantinet aiguicheur, tout en battant des cils.

Très court, désolée...

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- Oh, mais vous vous débrouillez très bien, assura le bourgeois tout en apposant à son tour sa signature au bas de la page. Très bien, vraiment, ajouta-t-il, l'air absent.

Il remarqua enfin le sourire charmeur de Léane, et lui sourit en retour. Il lança alors, avec une impolitesse certain mais ne semblant pas s'en apercevoir :

- Vous proposiez d'aller chez vous, c'est cela ? Eh bien, allons-y, gente dame. Enfin, si vous le désirez, bien sûr !

Il se dirigea d'un pas vif vers la porte, et l'ouvrit, avant de s'effacer avec un signe d'invite pour laisser passer la jeune fille.

- Après vous, charmante jeune fille !

[HRP : court, désolée, mais j'ai pas d'inspiration pour cette histoire d'étuve, là...]

Léane décida de ne pas avoir de réaction face au comportement impoli et dérangeant de ce cher homme. Elle sortit comme il lui laissait le passage, et eut un sourire révélant ses dents blanches :

- Que vous êtes gentleman, messire !

Sur le seuil de la porte, elle se retourna et déclara :

- Fort bien, allons chez moi. Ce n'est pas bien loin d'ici. Bien sûr, je ne vis pas dans le luxe, mais c'est mon petit-chez moi. Et si vous êtes si gentleman, peut-être m'offrirez vous votre bras ?

La jeune fille en robe noire, l'air charmeur et le sourire aux lèvres, tendit son bras dans une position délicate, attendant que le bourgeois qui l'accompagnait s'en saisisse. Intérieurement, elle se réjouissait.

*Que les hommes sont stupides ! Un peu de rentre-dedans et ils cèdent à tous vos caprices ! Et celui-là ne tiendra sûrement pas plus longtemps que les autres...*

Ce n'était pas parce que sa mère était morte qu'il fallait se morfondre ! Mieux valait s'amuser, et faire des folies ! Ce que Léane comptait faire, d'ailleurs...

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Le bourgeois, assez sensible au charme, de Léane. Enfin, non, plutôt à ses formes, en fin de compte. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas eu de relation avec une femme... Surtout aussi jeune et aussi charmante.
Il secoua la tête pour chasser de son esprit ses idées obscènes, et s'extirpa tant bien que mal de derrière la porte pour sortir lui aussi. Il se retourna pour la fermer et crier un "Marie, je sors !" par l'entrebâillement, puis passa son bras sous celui de Léane.

- Ma chère, vous voyez bien que je suis un parfait gentilhomme, dit-il en plaisantant.

Et, tout en l'entrainant dans les ruelles, il reprit :

- Je ne veux pas être indiscret, bien sûr, mais... Il me semble que vous portez une robe de deuil, non ?

Tout en marchant au bras du propriétaire des étuves, Léane souriait. Lorsqu'il posa cette question, fatidique, elle piqua du nez. A travers ses longs cils, elle jeta un regard vers lui, humide de larmes. Elle se mordilla doucement la lèvre, dans une attitude de femme prostrée. Puis elle fit un pauvre sourire, charmant. Théorie, parfait. Application, de même. Une véritable séductrice endurcie.
Elle prit la parole d'une voix larmoyante.

- Vous avez vu juste, Monseigneur... Ma mère est morte, il y a peu. C'est pour cela que je suis venue à Camelot, dans l'espoir d'ouvrir mon propre commerce et d'oublier mon village natal. Village de malheur et de larmes.

Elle releva la tête, les joues innondées par ses larmes fictives. Elle avait fait son deuil, désormais, et affrontait sa situation la tête haute. Mais aux larmes fictives se mêlaient toute fois des réelles, qui l'avaient prise subitement au milieu de sa petite comédie. Elle avait beau ne penser qu'aux hommes et à prendre du bon temps, le souvenir de sa mère restait présent et lui causait de la tristesse.

[PNJ, je te laisse continuer dans les habitations, non ?]